Marketing: des télécoms à l’industrie culturelle

« Au secours », crient de concert l’industrie de la musique et de la vidéo, accusant
les télécoms de s’enrichir sur leur dos. Heureusement (?) le marketing est là pour nous expliquer la différence, et peut-être nous donner des solutions.

En introduction: je sais que je simplifie ici considérablement en mettant dans le même sac les artistes, producteurs, éditeurs et distributeurs. Mais on peut dans cette approche se contenter de la distinction « l’industrie » d’un côté et « les consommateurs » de l’autre.

Le problème de l’industrie culturelle est économique: la filière se rémunère sur la distribution, portion de la chaîne sur laquelle elle ne fournit aucune valeur ajoutée dans un monde numérique (au contraire, les coûts sont plus élevés que dans une distribution « mutualiste » dans le genre du P2P).

Tant que l’industrie culturelle n’aura pas compris cela, elle continuera à décliner. Aucune taxe sur les accès internet / DVDs / ordinateurs / téléphones / baladeurs / appareils photos / télé / PVR / frigo, etc… (au fur et à mesure qu’on met de la mémoire partout) ne pourra l’empêcher.

Le jour où ses dirigeants feront payer un prix raisonnable pour la valeur ajoutée qu’ils fournissent, tout ira bien: je suis convaincu qu’à 4 € / mois pour un site d’abonnement musical full catalogue sans DRM, ils casseront la baraque (et ~20 € / mois pour les films). Les gens préfèreront payer, choisir ce qu’ils veulent et l’avoir là, maintenant, tout de suite, plutôt qu’essayer d’échanger avec leurs potes (et la nature humaine et ainsi tristement faite, qu’une fois qu’ils auront payé, ils seront moins enclins à partager).

Payer un téléchargement de film 10 €, alors que les coûts n’ont manifestement rien à voir avec un DVD au même prix à la FNAC, est du vol pur et simple (ou une gestion absolument aberrante des coûts), et les gens le savent ou du moins le « ressentent ». Le mouvement de tf1vision (fournir le DVD avec le téléchargement) est relativement rusé de ce point de vue. Au moins, les choses bougent

Cependant, les dirigeants de l’industrie culturelle ne veulent pas de tarification forfaitaire,  c’était en fait une des conditions posée dans l’un des derniers rounds de négociations industrie des média / FAIs en France. La raison est qu’ils vivent toujours dans l’illusion qu’ils arriveront à accroître leurs revenus en augmentant le prix (ce qu’ils ne pourront pas faire simplement dans un mode par abonnement forfaitaire), alors que
c’est la part des revenus disponibles dans les ménages qui est le facteur limitant, part qu’ils ne peuvent pas changer. A défaut, ils espèrent accroître leurs marges en faisant des produits de plus en plus luxueux, avec pour conséquence que de moins en moins de personnes y auraient accès.

Et pourtant, leurs coûts variables (hors distribution) sont proches de zéro.

Comparons avec la situation des FAIs ou des opérateurs de telecom: leurs coûts variables sont très importants (la facture d’interconnexion avec leurs transitaires, payée au volume, est un des principaux coûts). Et de l’autre côté, ils fournissent l’accès internet pour un prix forfaitaire ! Mais ils ont fait l’effort marketing de construire d’autres sources de revenus et de calculer le prix au plus juste pour rentrer dans leurs fonds.

Or qui voit son business augmenter, et qui voit le sien décliner ?

Prends-en de la graine, l’industrie culturelle.